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Via-raid 06 : Epilogue

vendredi 20 août 2010, par Guido

Le tapis bitumeux de l’autoroute m’ennuie. Au bout d’une heure, c’est imparable. La chair est faible. Les fourmis colonisent mon poignet droit. J’ai le fondement tout moite.

Sonne l’heure de la pause mais dilemme. 60 minutes de quatre voies converties en distance donnent à peine 125 km alors que les 12 litres du réservoir permettent de parcourir 190 km. Et pas de pilote automatique. Il faut encore tenir 75 000 mètres, traverser 750 terrains de football, perforer le mur du long.

En équilibre sur les cale-pieds, j’improvise une séance d’étirements pour faire riper la chronologie. Talon, pointe, mouvements de tête, flexion des bras, extension des jambes. Debout face au vent, le filet d’air apaise ma peau tannée. Tout mon être se détend à l’exception du poing droit, fermé pour maintenir la vitesse, fermé pour tenir le cap.

Afin de raccourcir davantage la ligne du temps, j’enroule le câble de l’accélérateur pour un kilomètre lancé. Moteur en pression pour bref répit du poignet. Les panneaux de signalisation invitent à la chasse au record : « Vous êtes à 1500 mètres du méridien de Greenwich », « 1000 mètres », « 500 mètres ». La moto s’arcboute sous l’effort, freinée par les pesantes sacoches. Je coupe les gaz lorsque l’ombre de l’arche glisse sur le réservoir. Encore deux minutes de gagner.

Quand le corps fatigue, l’esprit prend le relai. Quel souvenir conservé de ce périple ? Je dérushe derrière l’écran. Les images défilent. Les virages du col de l’Aubisque, les courbes serrées vers Bragança, les collines de poussière des Bardenas, les colonnes d’eucalyptus dans l’Alentejo, les éclats nocturnes de la fiesta castillane... Voyager au guidon, c’est offrir sa poitrine à une foule de sensations. A moto, le trajet constitue le voyage ; un voyage intérieur sous la cloche du casque.

Coup d’oeil dans le rétroviseur. Ben’ est toujours là, comme immobile au centre du miroir. Nous partageons l’ailleurs pour être ensemble.

Guido du Bourdon nippon.

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