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La parole est aux murs : Orgosolo en Sardaigne.

jeudi 17 mars 2011, par Hervé

Lors de notre prochaine balade en Sardaigne et Corse (du 18 au 25 avril) nous allons avoir l’occasion de découvrir un village mondialement célèbre.

La culture du TAG !!

Le village d’Orgosolo se situe en plein centre de la Sardaigne (Italie).
Cette bourgade qui a compté jusqu’à 5000 habitants est connue mondialement non seulement parce qu’un obscur réalisateur italien : Vittorio de Seta, y a tourné en 1960 un film qui a fait date et agrémenté force débats et autre thèses sur les bandits sardes : Banditi a Orgosolo mais surtout parce que presque toutes ses maisons sont entièrement décorées de fresques murales.

De toutes tailles, de la plus grandiose à la plus discrète, ces fresques sont l’expression d’une véritable culture.

Il y a des fresques sur de très nombreuses maisons mais également sur des édifices publics, comme la gendarmerie, le bureau de police et la mairie. La banque du village en est également décorée.

La majorité des fresques a une consonance politique ou humanitaire. Elle retrace les évènements majeurs de l’histoire actuelle..

D’où viennent ces fresques, faisons-en un peu l’historique.

Dans les années 1970, un nouveau mode d’expression artistique et populaire a vu le jour : le muralisme.

Il s’agit d’une pratique et d’un mouvement artistique consistant à réaliser des peintures murales à caractère souvent politique sur les murs des villes, en particulier sur les murs d’édifices publics (hôpitaux, écoles, lycées, universités, ministères…). Cette pratique est essentielle dans l’art mural mexicain mais elle s’était pleinement exprimée en Europe sur le mur de la honte à Berlin pourtant on peut considérer que le muralisme remonte à la nuit des temps et qu’elle était notamment très répandue chez les Romains comme on a pu le constater sur les murs dégagés des vestiges de Pompéi ou d’ Herculanum.

En Italie un groupe théâtral anarchiste milanais a, en 1968, relancé ce mouvement. En Lombardie cela s’est éteint rapidement toutefois le phénomène s’est poursuivi à Orgosolo, cette petite ville perdue au cœur de la Barbagia.

Lors du 30ème anniversaire de la lutte partisane contre l’oppression nazi-fasciste et de la libération des enseignants de la ville eurent l’idée de célébrer l’événement à leur manière autrement que par des discours souvent répétés et trop vite oubliés.

Leur volonté était d’impliquer les élèves dans la manifestation et d’en appeler à la mémoire collective en faisant collaborer ceux qui furent les témoins de l’époque.

Dans un premier temps, l’affiche fut choisie comme support avec des slogans illustrés par les enfants des écoles. Les illustrations évoquaient la libération contre le joug fasciste mais aussi des problèmes plus spécifiquement liés à la vie locale (opposition de la population à la création d’un Parc National pouvant mettre en danger l’économie agro-pastorale) ou même à l’actualité internationale ( guerre du Vietnam). L’initiative connu un vif succès mais le support papier était bien trop fragile et éphémère.

Il fut décidé de poursuivre l’expérience directement sur les murs de la ville. C’est le peintre et enseignant en arts plastiques, Francesco Del Casino, qui réalisa la plupart des œuvres, aidé par ses élèves pour la coloration des figures et la composition des textes .

Le dessin, préalablement ébauché dans ses contours par le maître, est ensuite finalisé par les élèves qui se chargent d’appliquer divers pigments nécessaires à la coloration. Les textes sont ensuite apposés à l’œuvre.

L’accueil favorable de la population a permis de pérenniser l’expérience au fil des ans. Dans les années 1980, et la diminution de la tension politique internationale, Del Casino et de ses compagnons ont commencé à peindre des scènes journalières de la vie du village. Des cavaliers, des femmes avec leurs bébés, des bergers au travail, des fermiers en train de faucher le blé.

Aujourd’hui, les peintures murales d’Orgosolo ( la ville en comporte plus de 150 ) sont internationalement connues et attirent des visiteurs de toutes les pays.

On retrouve quatre grandes séries de thèmes :

Scènes de la vie locale et tradition populaire : Bergers et troupeaux, fêtes folkloriques, femmes en costumes traditionnels…

Personnages célèbres notamment dans les rues qui portent leur nom : Gandhi, Che Guevara, Grazia Deledda (auteur sarde, prix Nobel de littérature en 1927)…

Problèmes politiques locaux ou nationaux : Terrorisme, exode rural, militarisation de la Sardaigne, revendications des bergers pour le prix du lait, manifestation des étudiants pour le droit à l’instruction…

Évènements historiques : Guerre d’Espagne, Coup d’état chilien, évènements de la place Tien An Men, Guerre du golfe, 11 septembre…

Ces œuvres sont protégées et entretenues, il en apparaît toujours de nouvelles comme s’il fallait que l’expression ne s’arrête jamais.

Une polémique couve d’ailleurs dans le village car les rénovations de façades sont soumises à autorisation préalable si elles sont ornées d’une fresque.

Bibliographie Michèle Soullier ( http://www.tristanzilberman.com/fr/texte-3015-la-voix-des-murs.html )

Pour avoir maintes fois visité Orgosolo je puis vous assurer qu’il s’agit d’un spectacle assez extraordinaire. Le village de bandit est bien devenu un village d’artiste et le musée est à l’air libre !!


Voir en ligne : Excellent site sur le village d’Orgosolo

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