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ARGENTINE 2008

Carnet de route

jeudi 12 novembre 2009, par Hervé

5 fois la France pour 25 millions d’Habitants de moins, cela ne fait pas grand monde au M².
Toute la population est concentrée dans les villes et les campagnes sont le plus souvent d’immenses haciendas appartenant à de riches familles ( il n’est pas rare de rencontrer des propriétaires d’haciendas totalisant plusieurs centaines d’hectares !! ) avec quelques pueblos où vivent paysans ou gauchos. On nous avait tant parlé de l’Argentine qu’il fallait bien qu’un jour nous allions y traîner nos guêtres … Eh bien voilà c’était parti …
Nous avons quitté la France par un triste matin d’hiver , nous avons débarqué à Buenos Aires après 14 heures de vol .. via Madrid .. il faisait 30 °, c’était l’été, l’eau dans les lavabos tournait dans l’autre sens, il flottait dans l’air comme un air de tango !!

Buenos Aires ….

Que vous en dire ? C’est une immense métropole située en bordure du plus grand estuaire du monde, celui du Rio de la Plata. Certains vous la décrirons comme le Paris de l’Amérique du Sud !! Argentine, Plata, tout revient au pognon dans cette ville !!
 La Boca, c’est superbe avec ses petites piaules multicolores, ses artistes dans les rues, ses airs de tango qui bercent nonchalamment une population qui s’agglutine au touriste. Les mecs sont habillés comme Al Capone et les gonzesses vous collent la cuisse sur le bide pour 5 pesos. Maradona trône en statue de bois et les clébards sont habillés en azul y blanco. Mais la bière y est bonne et il semblerait inconcevable d’aller à BA sans visiter ce quartier.
 Palermo viejo : De sympathiques rues pavées beaucoup plus tranquilles. Des bistrots branchés ou la bière est toujours aussi bonne, quelques façades qui valent le détour, une immense rue piétonne où votre carte de crédit semble instantanément attirée par l’entrée des magasins. Sympathique !!
 Recoleta : Le pognon. Les animations culturelles à quelques milliers de dollars. Les spectacles à la mode. Quelques superbes affiches et un panel de ce qui doit se voir lorsqu’on est un Argentin dans le vent.
 San Telmo : Incontestablement le plus intéressant quartier de Buenos Aires. Le berceau du vrai tango, le paradis des chineurs .. Si vous avez la chance, comme nous, d’y passer un dimanche vous allez y découvrir le plus beau marché aux puces de votre vie .. quoi que vous y cherchiez, vous le trouverez .. du couteau façonné par Beljambe ( les amateurs de couteaux rouennais apprécierons !! ) à la plaque émaillée de la « vache qui rit », en passant par l’écritoire pur 18éme et la selle de hussard napoléonienne .. Tout se trouve à San Telmo le Dimanche .. et si vous ne le trouvez point, commandez et vous l’aurez la semaine prochaine !! Au milieu de tout cela les écoles de tango se trouvent à chaque coin de rue et chez les bouquinistes vous trouverez l’intégralité de l’histoire argentine sur chaque devanture avec le Che trônant au beau milieu !! Sur les places jouent les enfants entourés de pigeons à l’affût de la moindre miette de frite et un sacré paquet de routards divers roulent le maillechort ( et quelques herbes odorantes ! ) comme au bon vieux temps des années 70 sur les marchés de Provence !
Nous avons passé deux jours à BA. Il fallait le faire car cela nous a permis non seulement de nous adapter au décalage horaire mais également de nous mettre dans l’ambiance du pays .. Les « portenos » ( surnom des gens de BA ) sont des gens très accueillants qui adorent tout ce qui vient d’Europe avec un attachement très particulier pour les Français .. Calos Gardel ne serait il pas né à Toulouse ? Si vous y allez n’hésitez pas à vous perdre dans les quartiers et à demander votre chemin, vous rencontrerez des gens charmants.

Salta … La Linda !

Une heure et demi de vol depuis l’Aéroparque nacional de BA pour rejoindre Salta ( après une paire d’heures de retard pour cause de grève des personnels navigants ! Cela n’arrive pas que chez nous, mais là c’était dans une ambiance très sud-américaine : tractations au vu et au su de tout le monde et commentaires de l’équipage aux passagers dans la plus totale sérénité !
Salta c’est la capitale du NOA ( Nord Ouest Argentin ) avec ses 600000 habitants perchés à 1250 m d’altitude au pied de la Cordillère des Andes. Fondée en 1582 par les colons espagnols elle a , pour la plupart des bâtiments majeurs, conservé son architecture d’époque : Balcons ouvragés, hôtels particuliers aux allures de petits palais, maisons seigneuriales avec patio intérieurs sont autant de merveilles qu’il convient de découvrir au fur et à mesure de sa visite .. à pieds ou en bénéficiant de l’aide d’un de ces sympathiques chauffeurs de taxi toujours prêt à vous vanter sa ville entre deux commentaires de match de foot. Salta c’est aussi le départ obligé pour tous les touristes qui veulent s’investir dans le tourisme d’aventure qu’ils soient à pied, à cheval, à VTT ou comme nous l’avions choisi : à moto et en 4x4. Salta c’est une grande ville ou tout le monde se retrouve le soir venu sur la grande place pour une gigantesque « passagieta ». Vous restez 48 heures à Salta et vous connaissez la moitié de la ville, on se croirait dans une bourgade du sud de l’Europe au milieu des années 70. Cette ville est attachante et son patrimoine architectural remarquablement conservé. Comme de surcroît elle comporte un bon nombre de musées tous aussi intéressants les uns que les autres, n’hésitez pas à faire de Salta une étape à privilégier. Arrangez vous pour aller passer une vendredi soir à Balgarce ( près de la gare ferroviaire d’ou part de Tren de la Nubes, un train touristique qui vous emmènera en une longue journée jusqu’après San Antonio de los Cobres, à plus de 4000 m dans la superbe Cordillère à proximité ). Vous y trouverez une ambiance festive jusqu’à plus d’heures, où la bière et le vin coulent à flot mais où l’atmosphère reste toujours bon enfant.
A Salta il y a un certain nombre d’incontournables : le marché central par exemple, qui, chaque matin va vous proposer un panel de l’artisanat du NOA, mélangé à tout ce que la région peut produire de consommable. Ne loupez pas le rayon boucherie par exemple où vous pourrez prendre en direct une leçon de découpe .. végétariens s’abstenir ! Autre lieu superbe, le téléphérique qui va vous emmener au parc qui domine Salta, sur le cerro San Bernardo. Vous y découvrirez non seulement la ville mais également un magnifique point de vue sur la Cordillère toute proche enfin la place 9 de Julio est le point de rendez vous de toute la ville au moment de l’apéro. Vous y apprécierez le jus d’orange servi en carafe, le défilé des gauchos à chaque changement de garde et le coté petite ville de province où tout le monde se connaît et s’interpelle joyeusement. Pour le reste je vous renvoie à votre guide favori, Salta étant en voie de devenir la Destination à la mode avec un grand D !

De Salta à Cafayate …

Nous avons quitté Salta par la N68 qui file vers le Sud. Pendant un peu plus de 60 km c’est une succession de champs de tabac, de maïs et, de plus en plus, de vignes en plantation sur des centaines d’hectares. Route passablement défoncée avec pas mal de circulation et la traversée de villages avec leur lot de gamins, animaux divers et épaves roulantes sans la moindre signalisation .. attention donc. Avant de descendre sur Cafayate et la Quebrada de las Conchas nous avons fait une petite incursion vers la plus grande réserve d’eau artificielle d’Argentine : La Dique del Corral. Une sorte de Serre Ponçon multiplié par 10 où se côtoient les résidences secondaires de particuliers très fortunés et les cabanes de pêcheurs. La piste qui conduit au barrage est superbe et nous a permis une bonne mise en jambe. Vu la chaleur qu’il faisait nous avons regretté de ne pas avoir pris les maillots car les petites plages qui jalonnaient le chemin étaient toutes plus accueillantes les unes que les autres. Retour sur la route 68 pour déjeuner . là c’est simple, à partir du moment où nous sommes rentrés dans la pampa il n’y avait plus rien. La première auberge fut la bonne. Comme en plus il y avait de la bière bien fraîche, des fromages de chèvre délicieux et des desserts à foison, la halte fut d’autant plus appréciée.
Après le relax de rigueur nous avons vraiment commencé à en prendre plein les yeux. La Québrada de Cafayate c’est un sacré grand moment de géologie. De la gorge du Diable à l’Amphithéâtre, en passant par l’Obélisque, les Trois Croix et le Crapaud, pour finir par les Châteaux et les montagnes multicolores nous n’avons cessé de faire chauffer le numérique.
Gaffe toutefois à la route qui est très fréquentée par un certain nombre de poids lourds qui n’en ont rien à secouer des paysages et encore plus des touristes qui les découvrent.
Quand les vignes ont remplacé le désert, que l’eau qui court en sous sol a été canalisée sur le bord des parcelles et que le vert à remplacé l’ocre dominant nous sommes arrivés à Cafayate. Cette paisible bourgade commence à être connue dans le monde entier et son authenticité en pâtit quelque peu. N’empêche qu’il fait bon y boire un coup sur la place centrale, y manger une glace chez Miranda et surtout y boire à l’apéro ce vin blanc de Torrontès, un nectar floral pur produit de la partie carrée jouée par le soleil, l’eau, le terroir et l’altitude.

De Cafayate à Tafi del Valle et retour par Quilmès …..

Nous avons quitté Cafayate direction plein sud par la fameuse Route 40. Il est amusant de constater qu’au beau milieu de Cafayate une borne située en face de l’auberge de jeunesse signale que nous sommes à 4430 km d’Ushuaia, la terminaison de la fameuse trans argentine. Nous avons suivi la 40 sur environ 8à kilomètres au beau milieu des paysages de pampa et des cardones, ces fameux cactus candélabres gigantesques si représentatifs de l’Argentine. Sur la route il faut un peu se méfier des ânes en totale liberté qui sont souvent enclins à traverser quand on ne s’y attend pas. Nous y avons également rencontré de nombreux gauchos qui parcourent inlassablement les bas cotés pour rejoindre un bétail qui erre dans la plaine. Pour ceux qui suivraient nos traces faites particulièrement gaffe aux divers radiers dus aux traversées de ruisseaux souvent gorgés d’eau au moment des pluies et qui forment de larges bandes de boue traîtresses. Régulièrement on croise des cars qui desservent le pays et dont le seul souci est de se maintenir au beau milieu de la route pour éviter les trous au mépris total de tout ce qui les croise, à deux ou à quatre roues. Au niveau d’Amaicha del Valle nous avons bifurqué vers Tucuman en n’oubliant pas de stopper au passage pour visiter le musée Pachamama, une vaste espace consacré à la géologie et à l’histoire des vallées calchiques. Un musée mis en place par un certain Hector Cruz qui a fait fortune en vendant des souvenirs aux touristes mais qui a du vouloir se racheter d’avoir cédé une partie du patrimoine indien qu’il a abondamment pillé et les célébrant ainsi. Les indiens lui en veulent toujours et il n’est plus trop en odeur de sainteté dans le coin, n’empêche que son musée est fort intéressant. Pour gagner une sorte de village qui rappelle plus la Suisse que l’Amérique du Sud du nom de Tafi del Valle nous avons grimpé notre premier col à plus de 3000 : l’Infernillo. Notre guide nos avait promis un temps horrible mais heureusement il s’est un peu planté et c’est sous un soleil radieux que nous avons pu poser entre une boutique de souvenirs, un élevage de moutons et des lamas en liberté. Heureux moment. La descente pour Tafi vaut son pesant de cacahuètes et le village réputé comme lieu de villégiature et départ de multiples balades dans les montagnes herbues environnantes est très accueillant. Repas avec parillada obligée, excursion sur les sommets en arpentant un chemin qui s’assimilait à un sentier de chèvres, siestounette au soleil au pied d’un tumulus à la gloire de la mère terre, plus tard et nous voilà de retour sur la route pour rejoindre la 40 et rentrer sur Cafayate. Au passage un détour pour visiter les ruines de Quilmes, un amphithéâtre naturel dans lequel les indiens bâtirent une ville quasi imprenable par les espagnols envahisseurs compte tenue de sa position. Ils résistèrent 130 ans et quand ils furent enfin vaincus on les déporta à plus de 1000 km de là dans un endroit qui est devenu … Buenos Aires ! Juste vengeance. Retour sur Cafayate en profitant au passage pour visiter la bodega Etchart, un domaine dont le proprio n’est autre que la famille Ricard qui a été bien inspirée de placer quatre sous dans ce lieu magique où l’ion produit un vin aux saveurs si particulières.

De Cafayate à Cachi …

Les choses sérieuses ont commencé là. Dès passé le village de San Carlos avec sa souce jaillissante et ses gauchos pleins d’humour nous avons entamé la route 40 qui est en fait une piste tortueuse le long du rio Calchaqui. Ce sont une suite de québradas superbes et très différentes qui nous ont accueillies. Des dunes qui semblent sorties du Sahara, des montagnes qui se répandent dans la plaine comme d’immenses glaces au chocolat en train de fondre, des aiguilles qui paraissent sortir de terre comme si un géant avait préparé un immense carquois en vue de quelque agression diabolique, sur cet itinéraire le rouge sang des montagnes contraste avec le verdoyant des oasis naturelles et avec celui beaucoup plus étonnant des vignes qui ne semblent pas le moins du monde être gênées par l’altitude qui grimpe petit à petit. Nous en avons profité pour visiter un vignoble qui peut être considéré comme celui qui détient non seulement les vignes situées au plus haut dans le monde : à plus de 3500 m d’altitude, mais également comme celui qui possède les souches les plus anciennes de cépages réputés comme le Chardonnay et le Malbec, cépages absolument indemnes de toute atteinte du Phylloxéra ce qui en fait un patrimoine inestimable. http://www.bodegacolome.com/index.html
Au sortir de Colomé nous sommes allés manger à Molinos dans la résidence de l’ancien gouverneur de Salta devenue auberge de qualité au beau milieu d’un patio grand comme une place de village et sous un poivrier gigantesque.
Pour rejoindre Cachi il reste une cinquantaine de kilomètres d’une piste très sinueuse et à flanc de montagne qui réclame la plus grande attention. De toute façon vu la beauté des coins traversés il est hors de question de se croire en train de courir une quelconque épreuve d’enduro. Arrivé au pied du Nevado de Cachi qui dépasse allègrement les 6000 m nous sommes arrivés dans le village de Cachi situé à 220 m d’altitude. Cette petite bourgade est un paradis de silence et de quiétude ou il est coutume de dire que les gens ne peuvent y mourir que de vieillesse. Avec son église tout droit sortie d’un film de Sergio Léone, ses maisons de briques et de pisé, sa place centrale et son musée archéologique contenant des pièces inestimables des époques Incas et Pré-Incas le village ne manque pas d’intérêt.

De Cachi à La Poma .. et retour.

Une vingtaine de kilomètres d’une piste pas facile nous a conduit au site de Las Paillas un endroit assez magique au beau milieu des cactus d’où l’on peut avoir une perspective à 360° sur les vallées environnantes, fabuleux. Grimpette ensuite jusqu’à La Poma en suivant toujours la route 40 pour découvrir les deux volcans jumeaux ( Los Gemellos ) et leurs champs de pierre ponce. Le nouveau village situé à 3000 m d’altitude a été bâti il y a 70 ans juste après la colère de la terre qui a complètement détruit l’ancien et ses maisons de pisé. Quelques vieux qui ont connu les affres de cette catastrophe ont encore des éclairs d’effroi dans les yeux lorsqu’ils vous le racontent. Nous n’avons pas pu grimper en haut de l’Abra del Acay qui nous aurait fait découvrir la curieuse impression d’évoluer à près de 5000 m d’altitude par manque de temps, cela sera pour la prochaine fois. Retour sur Cachi par le même chemin, une merveille à l’aller, un ravissement au retour. Le top du top de cette journée fut la découverte du vol de deux condors qui nous ont suivi un petit bout de temps. Le plus grand oiseau du monde est quand même assez impressionnant, comme de plus il paraît qu’en voir un cela porte bonheur, deux , vous imaginez un peu la suite !

De Cachi à Salta …

Nous sommes remontés sur la route 40 le long du Calchaqui jusqu’à Payogasta dans l’une des régions les plus pauvres du pays au milieu des champs d’ail et de piment. En suite nous avons quitté la route mythique pour redescendre plein sud et, au bout de quelques kilomètres, atteindre la fameuse Recta Tin Tin, un ancien chemin Inca et surtout une ligne droite de 14 km au milieu du parc Naturel de Los Cardones, qui, à 3000 m d’altitude, croise les trajets habituels des ânes, lamas, chevaux, guanacos et autres vigognes. Les panneaux annonçant le début et la fin des passages de ces animaux, sans matérialisation autre que celle d’un balisage sur la route, montrent bien le degré d’intelligence de ces bestioles à cette altitude .. ou la naïveté des services de l’équipement argentin ! Quand nous eûmes terminée la « straight line » cela marqua également la fin du revêtement asphalté et la montée de la Piedra del Molino à 3350 m d’altitude se fit sur une piste magnifique mais sacrément tortueuse. Pour descendre la Cuesta del Obispo nous avons pris notre temps, il faut dire que c’est un des endroits mythiques du voyage avec une accumulation de lacets ou il ne fait pas bon croiser un camion. Cette piste, quasi impraticable par temps de pluie tellement les éboulements y sont fréquents est en perpétuelle réfection au point que les ouvriers y habitent sur place. Une fois arrivés dans la vallée en se demandant quel péché avait pu commettre cet archevêque pour devoir se taper la grimpette dans l’autre sens , nous sommes arrivés dans la Quebrada de Escoipe une vallée très étroite qui surplombe le rio du même nom. Les couleurs des montagnes qui passent du rouge au vert en fonction des filons de cuivre sont assez hallucinantes et les trois ponts de fer rouillé et de planches semblent tout droit sortis d’un film d’aventure, et dire qu’il y a des bahuts de 35 tonnes qui passent là dessus ! Nous avons déjeuné dans une école rurale ou l’institutrice, éducatrice, infirmière, cuisinière, maman même, nous a raconté la vie de cet établissement loin de tout qui vit en quasi autarcie et qui compte de plus en plus sur un tourisme de passage pour arrondir les fin de trimestre compte tenu des carences gouvernementales. Au fil des derniers virages et en évitant soigneusement les tranchées creusées par les rios qui traversent la route lors de fréquents orages, nous avons rejoint le revête au niveau de Pulares, le premier de ces petits villages ou la population vit de l’industrie d’un bois qu’ils vont chercher dans la forêt toute proche. A El Carril il ne nous resta plus qu’une vingtaine de kilomètres pour rejoindre Salta. La première partie de notre voyage était déjà terminée.

De Salta à Tilacara …

Pour quitter Salta vers le nord il existe deux possibilités .. La quatre voies qui file jusqu’à Jujuy que vous atteindrez en moins de deux heures .. et la route de la montagne ( la Cornisa ) qui passe par la forêt. Etroite, sinueuse elle n’est pas facile et les croisements sont assez aléatoires mais par contre les paysages sont superbes au long des différentes « diques » ( barrages ) qui la bordent et il n’est pas rare de devoir s’arrêter pour laisser passer une vache nonchalante ou un troupeau de chevaux qui batifolent. D’après vous, laquelle eut notre préférence. Trois heures, un rassemblement de gauchos et une compétition de stock car plus loin et nous voilà à Jujuy, la véritable porte du Nord Ouest Argentin. Nous allions ensuite pénétrer dans le pays des indiens, celui qui célèbre la Pachemama ( mère terre ) qui conserve sa culture comme un patrimoine et qui défend ses traditions. C’est le seul endroit d’Argentine où l’on va pouvoir toucher du doigt une culture dont souvent la population oublie, ou nie l’origine ( j’aime bien ce dicton qui résume bien l’histoire argentine : Le Guatémaltèque descend des Mayas, le Péruvien des Incas et l’Argentin .. du bateau !! ).
A peine quitté Jujuy que nous sommes entrés dans la fameuse Quebrada de Humahuaca classée depuis 2003 au patrimoine de l’UNESCO. Il faut dire que c’est quelque chose !
Indescriptible, il faut suivre la RN9 qui serpente au fil des montagnes dont les couleurs donneraient le tournis à Cézanne. Yala, oasis au bord du Rio Grande, tache de verdure, Volcan, à plus de 2000m d’altitude qui marque la frontière entre la végétation et le désert seul habité par les cactus. Tumbaya qui utilise la terre pour son architecture. Le croisement qui mène à Purmarmarca ( cela sera pour le retour ! ) Puis Maimara, sa petite église et cette célèbre « palette du peintre » qui orne toutes les documentation touristiques sur l’Argentine. Nous étions en plein dans le paradis géologique. Enfin nous sommes arrivés à Tilcara à près de 2500 m d’altitude. Le village est dominé par une forteresse inca qui offre un intérêt certain et dans son musée traditionnel on trouve non seulement des objets permettant de suivre l’historique de la région mais également quelques collections thématiques fort intéressantes. Moins culturel mais tout aussi sympathique, le petit marché sur la place nous a permis de faire des emplettes à des prix très abordables.

De Tilacara à Iruya …

Nous avons quitté Tilcara il ne faisait pas loin de 30° et le ciel était d’un bleu profond. Quelques kilomètres après, au niveau du Tropique du capricorne ( halte obligée pour faire la photo et regarder haut dans le ciel si on ne voit pas une quelconque ligne ! ) cela commença à se couvrir. Quand nous sommes arrivés à Humahuaca, après avoir sur la route découvert les plus beaux synclinaux que je n’ai jamais vu dans tous mes voyages, nous fûmes frappés par le souci et le respect de la tradition. Certes il y a chaque midi la sortie du Saint Patron héritage de la colonie espagnole ( une statue en bois surgit d’une niche dans le mur de l’église et vient bénir la foule à midi tapante ) mais c’est juste en face du monument gigantesque dédié à l’indépendance, aux indiens et à leur dernier cachique .. ce métis qui a foutu une bonne branlée aux espagnols .. et dont l’histoire nous a été racontée par un gamin au visage tanné, extrêmement fier d’être écouté comme un guide. Comme les efforts allaient être conséquents cette après midi nous nous sommes envoyés un pavé de lama à la moutarde, servis par un .. français du Sud Ouest .. le tout aux accents de la musique traditionnelle andine ( quena, bombo et charango au programme ).
Il fallait bien repartir, alea jacta est .. Nous avons quitté l’asphalte après quelques kilomètres pour suivre une piste qui courait le long d’un rio, traversant de nombreux gués et surveillant le ciel qui se couvrait en se demandant ce qui pourrait bien se passer si un gros orage éclatait. Après Iturbe et sa gare abandonnée nous sommes montés en altitude notre guide nous a raconté que nous passions près de paysages somptueux, paradis de couleurs et de contrastes .. Bien lui en a pris car au vu du brouillard qui nous entouraient nous n’imaginions même pas être au cœur d’une montagne. Le Gps n’arrêtait pas de grimper en altitude et c’est à plus de 4000 que nous avons fait une halte à l’Abra del condor .. Pour ne pas voir grand chose. La descente fut tout aussi embrumée mais soudain cela se dégagea pour découvrir une petite église bleue et quelques petites maisons collées sur la falaise. Nous étions en vue d’Iruya, ce bout du monde qui fait la joie des collectionneurs de posters. Une architecture pré-colombienne, des rues pavées ou court un petit ruisseau, des enfants qui gambadent comme s’ils étaient au niveau de la mer, un café recouvert d’un toit de tôle, des colibris qui butinent des fleurs, des perruches qui grincent, des condors qui planent à la recherche d’une éventuelle proie, des ânes qui broutent l’herbe rare et des ouvriers qui prennent leur temps… voilà Iruya. Quand vous y serez allé vous pourrez dire que vous avez touché un peu de nulle part.

De Iruya à Yavi …

Retour par la même piste pour revenir sur Humahuaca avec toutefois une petite digression pour aller se heurter à la barrière du Pueblo Viejo, un village qui vit en totale autarcie et qui ne souhaite absolument pas être un lieu de visite pour touriste, nous ne les avons pas dérangés. Après une halte auprès d’une petite école située à 3800 m d’altitude et où l’instit nous a parlé de ses problèmes d’approvisionnement et surtout de remise en état des locaux passablement délabrés ( l’école accueille plus d’une centaine d’élèves et ce sont les enseignants eux même qui font les travaux de réparation des toitures et des fenêtres durement sollicitées par la rigueur du climat andin ) nous avons re grimpé l’Abra del Condor .. toujours dans la brume .. il va bien falloir que nous y revenions pour enfin voir le paysage. Le ciel s’est découvert mille mètres plus bas et nous avons pu cette fois bénéficier des couleurs à la fois des pueblos en pisé, des champs minuscules cultivés à la main et des montagnes pelées environnantes, véritables déserts ou l’on se demande comment font les rares habitants pour subsister. Revenus sur le tarmac nous avons filé plein nord pour rejoindre la ville frontière avec la Bolivie : La Quiaca. Entre temps, une petite sieste et deux pannes d’essence plus loin, nous avons pu apprécier la totale impression de solitude juste troublée par
les troupeaux de lamas qui se promènent en totale liberté le long des lignes droites interminables. A La Quiaca nous avons assisté au défilé des habitants qui, tels des fourmis, font la navette chargés comme des baudets avec la ville frontière jumelle en Bolivie pour éviter les taxes imposées aux camions qui passent le poste .. Hallucinant. A une quinzaine de kilomètres, après avoir traversé un plateau typique de l’Altiplano ou courent des guanacos et des vigognes nous sommes arrivés à Yavi, un petit village qui ne figure pratiquement pas sur les guides touristiques mais qui est parfaitement représentatif de la région. Une nuit à plus de 3500 m dans une auberge sortie de nulle part, avec des lits en pierre et des chambres superbes d’authenticité, un repas quasi improvisé, une ambiance faisant penser à cette auberge du bout du monde que nous avions découvert au fin fond de la campagne auvergnate .. en bref, le bonheur !!

De Yavi à Purmamarca …

Le matin lever de bonne heure pour aller visiter le village. Yavi connut son heure de gloire au 19eme siècle quand il était le fief du marquis de la vallée del Tojo. Celui ci, grand questeur pour la couronne d’Espagne a allègrement détourné quelques pièces d’or pour, après les avoir fait fondre, en recouvrir l’autel de l’église et la quasi intégralité des parements en bois. Dans la même église quelques peintures de la même époque mériteraient un peu plus de protection car petit à petit leurs couleurs s’estompent au fil du temps. Tout à coté un petit musée dédié à la mémoire du marquis et de sa lignée vous fais faire un bond dans le passé et un immense jardin avec tables, chaises et barbecues en pierre vous donnent une petite idée des fêtes qui peuvent se dérouler dans ce village perdu. Retour sur le plateau pour retrouver la Quiaca, puis les lignes droites monotones qui vont nous faire rejoindre la Quebrada de Humahuaca, ce ne fut pas la partie la plus intéressante du voyage mais hormis la possibilité de filer sur la Bolivie, ce qui n’était pas prévu au programme, il n’y avait pas d’autres alternative. Nous avons fait ronfler les moteurs et en tout début d’après midi, après une halte dîner à l’école hôtelière de Humahuaca, nous avons pris sur la droite la direction de Purmamarca.
Les cinq derniers kilomètres avant d’atteindre Purmamarca valent à eux seuls tous les plaisirs du monde. Le canyon débouche sur une symphonie géologique où le nom même de « montagne des sept couleurs » semble complètement inusité. Cent, mille couleurs vous accueillent au fil de la lumière qui change au différentes heures du jour au long de ce chemin qui serpente autour du village. Le panel est plus que saisissant et on se plairait à batifoler des heures sur cette piste s’arrêtant tous les cinq mètres pour fixer sur la pellicule des sites qui n’ont qu’une seule place capable de les fixer : dans un petit coin de votre mémoire ! Des merveilles géologiques de cet acabit, je n’en avais jamais vu.
Vous aurez compris que si nous devions garder dans notre mémoire qu’un seul des endroits magnifiques que nous avons parcouru la vallée de Purmamarca serait incontestablement celui là. Le « petit lion » est à la fois un paradis coloré mais également un village aux maisons de briques séchées et aux balcons en bois de cactus où vit une population qui ne semble pas le moins du monde dépendante du flot de touristes qui vient régulièrement l’envahir. C’est d’ailleurs curieux de constater la sérénité qui règne dans ces lieux, Serait-ce la proximité de ces merveilles où tout simplement un simple constat des choses : C’est beau, eh bien c’est bien que les gens viennent voir ! Sur la place du village un marché comme partout ailleurs, les prix n’y sont pas plus élévés. Une paire de magasins distribuant de l’artisanat local sont aussi disponibles autant à la visite qu’aux emplettes, vous y trouverez toujours une personne qui vous parlera de son artisanat avec compétence et même une certaine dose d’amour du travail bien fait. Ce village est vraiment très attachant et comme de surcroît l’hôtel dans lequel nous étions comportait tout ce que nos os un peu fatigués avaient besoin pour se ressourcer, nous y serions bien restés une journée de plus.

De Purmamarca à San Antonio de Los Cobres …

Quelle étape. Histoire de s’en remettre un petit coup et de bien commencer la journée nous avons commencé par refaire le tour du Paseo de los Colorados avec la lumière du matin et c’est avec la banane des grands jours que nous avons quitté le monts des merveilles. Nous sommes ensuite partis en direction du Chili par la route 52 qui grimpe jusqu’à près de 4200 m au long de lacets interminables où peinent des camions qui, attention pour les motards téméraires, dégueulent leur gas-oil au gré des épingles à cheveux. Arrivé à l’Abra de Lipan petite halte café histoire de retrouver un peu de tonicité car la carence en oxygène commençait à se faire sentir même si nous n’arrêtions pas depuis le matin de mâcher force feuilles de coca. L’étape allait rarement descendre en desssous de 3000 m d’altitude et il fallait garder des forces. La descente qui allait nous conduire vers Salinas Grandes fut tout bonnement somptueuse non seulement au point de vue géologique même si à coté de ce que nous avions vu c’était quand même plus monotone. Par contre ce fut une merveille botanique et surtout découverte de la faune. Une paire de condors qui planaient dans le vent dans les premiers lacets de la descente, des vigognes qui venaient boire dans un rio avant d’entrer dans le dernier canyon et cet énorme troupeau d’ânes qui broutaient le long de la route. Je passerai les lièvres énormes qui croisaient notre route, et quelques autres bestioles peu identifiables qui, comme des marmottes dans les Alpes, se dressaient sur leur petites pattes histoire de bien nous voir passer. Le plateau arriva enfin avec cette plaine de sel de 525 km² qui semble immense champ de neige. Un salar comme celui-ci, pur produit de la conjonction entre l’altitude, la chaleur de la terre volcanique, la pluie, le ruissellement, le vent et la température de l’air il n’y en a pas énormément dans le monde. Au milieu de cette immensité blanche une paire de maisons, en blocs de sel, où on y vent des objets, taillés dans du sel, ou l’on extrait des montagnes de sel ou tout sent le sel, nous y avons pique niqué .. avec de bonnes lunettes de soleil. Un monde irréel mais oh combien spectaculaire. Retour vers le début du salar pour prendre la route 40 ( tiens la revoilà celle-là ! ) ou plutôt la piste 40 qui allait nous mener à San Antonio. Grand moment d’enduro que cette traversée de la Puna argentine où chacun était plus préoccupé de voir où il mettait sa roue avant que de regarder la somptuosité et la sauvagerie du paysage. Désert de sable parsemé d’herbes de la pampa et de quelques cardones, rios asséchés et au milieu de tout cela une sorte de petit village sans trop d’eau où vivent cinq ou six familles dans des maisons .. de sel ( c’est le matériau qui se travaille le mieux dans le coin ! ) et où se trouve une petite auberge qui vaut la visite. Je vous passe le four solaire, l’antenne artisanale pour le GSM, le grenier à viande, les murs de bouse séchée .. la totale quoi au point de vue rusticité, mais un accueil comme on n’en imagine plus, une gentillesse à donner envie d’embrasser tout le monde et l’espoir de revenir pour retrouver ceux qui en une petite heure sont quasiment devenus des amis. La fin de la piste valait son pesant de galère mais tout le monde est enfin arrivé à San Antonio. Le jour était encore haut, comme si nous n’en avions pas eu assez notre guide nous emmené à 20 bornes de là, par une piste heureusement bien plus praticable, voir le viaduc de la Polvarilla point d’arrêt du Tren de las Nubes à 4200m d’altitude. Cinq d’entre nous eurent suffisamment de courage pour grimper en haut du fameux viaduc au risque d’y laisser une paire de lobes sur le chemin. Arrivés au sommet le spectacle était saisissant, enfin c’était un peu comme au premier étage de la Tour Eiffel, sans les bagnoles ni la sécurité qui empêche de se pencher .. Se balader sur une voie de chemin de fer, à plus de 4000, un soir d’été en crachant ses poumons et en regrettant d’avoir fumé une clope le demi heure qui a précédé .. expérience inoubliable. La nuit se passa à San Antonio, altitude 3900 m, dans une sympathique hôtel .. Il paraît que certains d’entre nous n’ont guère dormi .. Je me demande bien pourquoi !!

De San Antonio de Los Cobres à Salta … fin du voyage !!

Le matin du dernier jour nous ne savons pas si c’est la fatigue générale relative au trajet où plus simplement le désir de s’en mettre encore plus plein les yeux histoire de se faire des réserves pour les jours à venir, mais l’allure du convoi s’était considérablement réduite. Les derniers points de vues spectaculaires furent dans la descente vers Santa Rosa de Tastil un des derniers villages d’altitude. Nous y avons effectué les ultimes achats auprès des petites dames qui attendent les touristes en mâchant la coca et avons visité un dernier petit musée, avec une conservatrice qui joue la lettre à Elise en tapant sur des cailloux et qui, entre deux visites, reproduit des pétroglyphes et peint de somptueuses aquarelles. Pour gagner la vallée nous avons suivi la ligne du petit train que nous avons un instant deviné au contour d’un virage, cette ligne qu’il a fallu plus de 25 ans à construire et où périrent bon nombre d’ouvriers indiens décimés par les avalanches de pierres. La dernière Quebrada, celle del Toro vaut sacrément le détour mais notre esprit était déjà dans la vallée qui se devinait dans le lointain. Nous nous sommes arrêtés pour déjeuner dans une hacienda en réfection ou croissaient des poivriers et des rosiers anciens, un véritable havre de paix à la gloire du peuple gaucho et de leurs élevages de moutons. La dernière piste était noyée dans la poussière au gré des camions que nous croisions au point que les cardones avaient pris une teinte grisâtre. Certains conducteurs se prenaient pour Vatanen et croyez moi se retrouver en plein virage en face d’un cinglé au volant d’un 25 tonnes qui aborde la courbe en plein travers c’est quand même un peu stressant. Histoire de se replonger dans la vie normale nous avons rejoint Salta par l’autoroute, une autoroute où toutefois il n’est pas rare de rencontrer un gaucho qui stationne au beau milieu en regardant une vache qui broute tranquillement. Pays de contraste jusqu’au bout du progrès, je vous l’ai déjà dit !!
Nous étions revenus dans des altitudes raisonnables, la température avoisinait les 30°, nous avions retrouvé la ville et laissé la Cordillère derrière nous. Le voyage était fini …

Remerciements …

A Jack et Mathilde qui ont superbement assuré tout au long de ce circuit et qui nous ont préparé ce voyage de rêve dans ce merveilleux pays qu’est l’Argentine. N’hésitez pas à les contacter pour qu’ils vous organisent votre futur tour : www.andesmoto.com
A notre ami Pablo qui se révéla un guide indispensable tout au long de ce périple et qui nous a bluffé par ses multiples connaissances tant géologiques qu’humaines et culturelles.
A Gérard, ce français expatrié, qui est plus qu’intégré dans la pays et qui nous a souvent donné des leçons de qualité humaine et de fraternité …
Et à l’Argentine dont dorénavant nous ferons une de nos destinations fétiches et qui, même pour ceux qui n’y reviendront pas d’ici longtemps restera un pays superbe et qui mérite vraiment d’être connu.
Nous, nous y reviendrons en 2009, j’espère que ce compte rendu vous aura donné l’envie de nous accompagner !!


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